Solidarités nouvelles face au chômage, un projet solidaire avec les chercheurs d’emploi
Depuis 1985, l’association Solidarités nouvelles face au chômage déploie patiemment son action d’accompagnement des chômeurs. Entre participation au débat public et groupes de solidarité, SNC agit à plusieurs niveaux, et travaille avec des sociétés « comme l’Oréal, la Société générale, Engie, GRDF, Vinci, Renault », mais aussi « avec des pme, dans des territoires divers ».
Son principal outil ? Un accompagnement individuel personnalisé, méthode qui a fait ses preuves, puisque sur les dix dernières années, 60% des accompagnements de chercheurs d’emploi ont trouvé une issue positive. Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Vincent Godebout, délégué général de l’association.
En quoi consiste l’activité de l’association Solidarités nouvelles face au chômage ?
Nous accompagnons des chercheurs d’emploi gratuitement, sans limite de temps ni rythme prédéfini. Nous sommes un réseau de 2300 bénévoles sur toute la France, formés, et nous accompagnons entre 3500 et 4000 personnes chaque année. Nous sommes généralistes, les personnes au chômage nous contactent via un numéro vert, le 0805 034 844, et à partir de ce moment là, ils sont pris en charge par un binôme d’accompagnateurs. L’accompagnement se fait dans des lieux neutres : des bistrots, des centres culturels ou encore des médiathèques.
Quelles sont les principales actions que vous menez ?
C’est d’abord de l’accompagnement individuel des personnes, et ensuite, nous proposons de nombreuses activités collectives, comme de la sophrologie ou des sorties culturelles, pour rompre l’isolement des chercheurs d’emploi. Nous mettons aussi en place des groupes de parole, nommés « Expressions », qui permettent à des chercheurs d’emploi d’échanger entre eux des bonnes pratiques. Nous avons aussi des ateliers dédiés à l’utilisation des réseaux sociaux, ou encore pour bien faire son « pitch ». Enfin, nous avons une autre activité qui est le plaidoyer. En rencontrant 4000 personnes chaque année, nous entendons plein de choses et nous publions en septembre un rapport annuel de plaidoyer, sur une thématique que nous considérons comme orpheline. Nous avons fait des rapports sur la santé des chercheurs d’emploi, sur l’accès à la formation professionnelle pour les chercheurs d’emploi, et aussi sur les seniors et la recherche d’emploi.
« Il faut que la dimension de la santé soit mieux prise en compte chez les chercheurs d’emploi »
Il y a quelques mois, vous avez partagé une nouvelle étude sur la santé des personnes au chômage. Quels enseignements en avez-vous tirés ?
Cette suite au rapport publié en 2018, exceptionnellement, nous l’avons publiée avec trois structures partenaires, Force Femmes, la Cravate solidaire et Territoires zéro chômeur de longue durée. Cette étude a confirmé le bien-fondé des propositions que nous avions faites il y a deux ans. Il faut que la dimension de la santé soit mieux prise en compte chez les chercheurs d’emploi, qu’il y ait des formations et des sensibilisations réalisées auprès du personnel médical, mais aussi auprès des conseillers du service public de l’emploi. Et que l’on organise des visites médicales régulières pour les chercheurs d’emploi, parce que si l’on veut avoir des salariés en bonne forme quand ils reprennent le travail, il faut se préoccuper de leur santé pendant qu’ils sont au chômage.
Avez-vous pu mesurer certains effets de la crise sanitaire sur le vécu des chercheurs d’emploi ?
Le premier constat que nous avons fait, c’est que les gens ont dû faire des choix de vie. Ou bien ils privilégiaient de quoi se nourrir, ou bien de quoi se soigner. Ils ont dû faire des choix économiques, c’est quand même inquiétant et anormal. Un autre aspect majeur, c’est le renforcement de l’isolement de ces personnes, car rappelons-le, en recherche d’emploi on est isolé, on est seul. Le contexte du covid a produit une double peine voire une triple, avec l’isolement contraint lié au confinement. C’est la raison pour laquelle nous avons un réseau de psychologues au sein d’SNC, qui a été beaucoup plus sollicité qu’en temps normal. Dès les premiers jours de confinement, nous avons ouvert le numéro vert que je vous ai cité, pour permettre aux chômeurs de nous appeler directement. De notre côté, nous avons contacté chacune des personnes que nous accompagnions à l’époque, pour prendre de leurs nouvelles, pour qu’ils ne soient pas encore plus isolés.
Quels sont les principaux freins à la recherche d’emploi, sur lesquels vous travaillez grâce à votre accompagnement ?
Les premiers freins sont les freins liés à l’isolement géographique. Nous avons des liens avec des acteurs de l’ESS (Economie sociale et solidaire) en termes d’aide à la mobilité, et nous travaillons sur l’accès au numérique. Notamment en milieu rural ou dans les quartiers populaires, nous mettons en place des équipes volantes dotées de matériel informatique pour travailler avec les chercheurs d’emploi, et les aider dans leur usage des outils numériques. Sur le volet santé, nous continuons notre plaidoyer, sur le volet formation professionnelle aussi, et sur le volet des seniors également, puisque l’on sait que c’est difficile pour eux, et que le nombre de chômeurs de longue durée seniors continue d’augmenter. Il faudrait vraiment que des dispositions soient prises en la matière.
Une partie des groupes de solidarité que vous mettez en place ont lieu dans les entreprises. Quelles sont les spécificités de ces groupes ?
Il y a environ 10% de nos antennes qui sont constituées au sein d’entreprises, et c’est extrêmement important d’avoir des salariés mobilisés, car ça crée du lien entre ceux qui sont en emploi et ceux qui ne le sont pas. D’autre part, cela permet à des collaborateurs de se mobiliser, et pour l’employeur c’est intéressant, cela crée du sens et du lien dans l’entreprise. ça facilite les échanges entre, par exemple, la personne qui est à l’accueil au rez-de-chaussée, et un patron qui est au 5ème étage ou au 40ème étage de la tour, et qui ne se connaîtraient pas autrement. Cela crée un sentiment d’appartenance plus fort. Aujourd’hui, nous avons une vingtaine d’antennes en entreprise, et nous souhaitons continuer le développement de ce type de groupes.
« La première chose que nous cherchons à faire à travers l’accompagnement SNC, c’est recréer du lien social pour la personne. »
Comment ces groupes se mettent-ils en place ?
Les entreprises peuvent libérer un peu de temps, proposer aux bénévoles une salle de réunion, et/ou proposer aux salariés bénévoles, d’accueillir les chercheurs d’emploi dans l’entreprise, pour les rendez-vous d’accompagnement. Bien sûr, le fait de créer un groupe SNC dans une entreprise n’implique pas de s’engager à recruter les personnes qu’on accompagne. Comme dans les groupes classiques, des binômes réalisent des accompagnements individuels. La première chose que nous cherchons à faire à travers l’accompagnement SNC, c’est recréer du lien social pour la personne. Ensuite, la remettre en confiance afin d’avancer dans un nouveau projet professionnel. Et il n’y a pas forcément de lien de cause à effet entre la recherche d’un métier concerné, et l’entreprise où se déroule le groupe. C’est aussi la raison pour laquelle tout le monde, quel que soit son statut, peut être bénévole à SNC. Il n’y a pas besoin d’être DRH ou travailleur social. Tout le monde peut être bénévole car le job, c’est recréer du lien social, mettre en confiance et ne pas juger les personnes que vous accompagnez.
En quoi consiste votre dispositif d’emplois solidaires ?
Pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, nous pouvons financer, sur nos fonds propres, des emplois avec une spécificité : les personnes continuent d’être accompagnées lorsqu’elles bénéficient de cet emploi dit solidaire. Ce sont des CDD de six mois à un an, dans des structures de l’économie sociale et solidaire. Par ailleurs, depuis quatre ans, nous avons lancé un projet qui s’appelle « le laboratoire des entreprises engagées », pour réinterroger les processus de recrutement et d’intégration dans l’emploi. Parce qu’on le voit bien, ça semble matcher de plus en plus difficilement, entre les offres d’emploi et les chercheurs d’emploi. Nous menons des expérimentations dans ce qui s’appelle le Lab2E. Nous pensons que si les chercheurs d’emploi ne trouvent pas d’emploi, c’est peut-être aussi pour partie du fait des employeurs qui mettent peut-être en place des critères trop complexes, qui surévaluent les compétences nécessaires. Nos expérimentations fonctionnent plutôt bien, nous menons des expériences intéressantes, avec des employeurs qui réinterrogent leurs processus d’intégration dans l’emploi.