Montasser Jabrane : « le handicap n’est pas là pour me définir »

Confronté personnellement au handicap, et face à des dispositifs d’aide souvent trop segmentés, Montasser Jabrane et son associé ont eu l’idée de créer une application de type « jobboard », qui utilise la géolocalisation et la vidéo, pour des recrutement se voulant plus inclusifs. Rencontre.

 

Comment est née votre entreprise Handycatch, et quel est son projet ?

 

Nous avons créé le nom d’Handycatch à partir de « handy » qui signifie « pratique » en anglais (mais aussi « téléphone portable » en allemand) et de « catch », pour « attraper ». Nous sommes deux personnes en situation de handicap à porter ce projet, mon associé et moi. Mais ce n’est pas un projet porté exclusivement sur le handicap, il fait de la véritable inclusion. En effet, nous considérons les difficultés face à l’emploi et l’insertion comme un handicap social, car ce n’est pas parce que je suis handicapé que je vais forcément avoir plus de difficultés que d’autres. Sociologiquement, la difficulté d’insertion est vue comme un handicap social, et nous voulons contribuer à lutter contre cela. 

 

Vous voulez dire que le handicap ne s’explique pas forcément par une situation classée dans la catégorie « handicap » ?

 

Oui. Pour vous donner un exemple, j’ai une tante qui ne sait pas lire : elle ne peut pas prendre les transports ni même signer de contrat, et cetera. Mon handicap se voit plus que le sien, mais au quotidien, elle est plus handicapée que moi. Un autre déclencheur de notre démarche, c’est lorsqu’un jour, à un forum pour l’emploi, on m’a dit « bonjour Monsieur, vous savez, il y a des forums pour les gens comme vous ». Cela m’a fait comprendre qu’il fallait créer quelque chose pour tout le monde, et que ce soit porté par un handicapé, parce qu’en France, on a le problème d’être un peu invisibilisé. Aujourd’hui, il n’y a pas d’handicapés dans les médias ou au gouvernement, sauf pour parler de handicap. À un moment, donné, on n’est pas bon qu’à ça, on peut faire autre chose.

 

                     « La Station F a misé sur notre projet, et pas sur notre condition physique. »

 

Vous luttez donc contre un certain regard qui a parfois tendance à « enfermer » les gens dans leur handicap ? 

 

Oui, c’est cela, pour éviter de faire de l’entre-soi, ce qui peut être contre-productif. Tous les jours, nous remercions les équipes de Xavier Niel de nous avoir fait confiance, au sein de la Station F où nous sommes installés, et ce davantage en tant qu’entrepreneurs qu’en tant que personnes en situation de handicap. Ils ont misé sur notre projet, et pas sur notre condition physique. C’est cela qui est réellement inclusif, et aujourd’hui, on est la seule application au monde qui met en relation des gens avec des gens, et pas des cv avec des hommes. C’est ça la plus-value d’Handycatch, vous marchez dans la rue, et si votre téléphone vibre, c’est qu’il y a un recruteur ou un coach autour de vous. Nous sommes les seuls dans le monde à faire cela. Tout le monde met en relation des cv avec des offres, mais personne n’a jamais réussi à discuter avec une offre !

Vous croisez donc la proximité géographique avec une sélection par compétences ?

 

Tout a fait. Nous avons fait en sorte de remettre l’humain au centre du débat. Nous valorisons le fait de miser sur des profils variés, la jeunesse ou sur les personnes en reconversion. Les personnes sur qui on ne mise pas forcément, elles sont déterminées, ont des compétences et un parcours de vie différent, mais tout ce que les gens appellent les « soft skills », il faut travailler dessus. Une autre spécificité de Handycatch, c’est par exemple le fait d’avoir intégré des coachs dans l’application. Nous travaillons avec des structures comme Openclassrooms qui forme les gens de manière admirable, mais parfois les personnes manquent de confiance en elles, ce qui peut créer des barrières en entretien. Un autre aspect, c’est que chez nous, on peut spécifier, si on le souhaite, qu’on a une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) ou pas. C’est une donnée qui est anonymisée, et qui reste entre vous et le recruteur, pour qu’il soit au courant. Mais on est tous sur la même plate-forme, ce qui n’existe pas aujourd’hui. Quand je cherchais du travail, on me disait « ah, t’es handicapé, tu vas à la mission handicap ». On m’exclue et ça c’est quelque chose qui me dérange. ça a le mérite d’exister, ça fait avancer parce que c’est vrai qu’on a des besoins spécifiques donc on a besoin d’être mis en relation avec la mission handicap, ça je le remets pas en question. Ce que je remets en question, c’est l’exclusion de base qu’on peut subir. C’est pour ça aussi qu’il y a des gens en situation de handicap et notamment avec un handicap invisible, et qui ont peur d’en parler, parce que c’est stigmatisant. Nous luttons contre tout cela au quotidien, et moi par exemple, le fait que je sois le seul président de start-up en fauteuil roulant au sein de la station F, sur 1500 start-up, même s’il y en a une autre qui était là l’année dernière, ça envoie un message d’espoir aux autres. Le handicap fait partie de moi, mais il n’est pas là pour me définir. 

 

Est-ce que ce n’est pas la dimension relative du handicap que les personnes ont du mal à appréhender, le handicap existant surtout par rapport à une situation donnée ?

 

Oui, et en réalité, c’est aussi un problème de perception. La manière dont la personne va vivre sa situation de handicap, cela va déteindre sur comment vont le vivre les autres. Si moi je vis correctement mon handicap, les gens auront plus de facilité à le vivre avec moi, à ne pas en parler, ou à en parler tranquillement. Moi je lutte surtout contre l’invisibilité. J’ai un bac plus 5, je suis allé à l’école, il faut arrêter de croire qu’on n’est pas capable de faire des choses. Mais par contre, il y a un problème sur le fait de nous montrer, et je pense que le fait que je sois handicapé, que j’aie fait le programme « French Tech », que je sois à la Station F et parrainé par le royaume du Maroc, cela contribue au fait de nous donner à tous de la visibilité. C’est de ma responsabilité de faire cela. Et indéniablement, ça fait avancer les choses, parce que depuis d’autres personnes handicapées ont intégré ces programmes.

 

Où en est le développement de votre projet ?

 

Aujourd’hui on a plus de 5 000 inscrits, on est en procédure de contractualisation avec plusieurs grands groupes, on finalise cet aspect de contractualisation et on est en pré-lancement. A la veille du lancement de l’application, les inscrits recevront un mail. Nous allons faire en sorte de lancer l’application le 1er mai, jour de la fête du travail.

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